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HUGO MARTINEZ

AU RYTME DES EAUX

Au rythme des eaux se forment les vallées. Au rythme des eaux se dessinent les montagnes. Au rythme des eaux se trouve la vie.
L’eau est un élément en perpétuel mouvement, aussi indomptable qu’inarrêtable. Le temps lui aussi file et ne revient pas, sans pouvoir l’arrêter sur son chemin, il passe, et c’est tout.
Est-ce que les rivières, les ruisseaux, les fleuves, tels que nous les connaissons, auront le même visage demain ?
Est-ce que les terres, les bergers, les arbres, les animaux qui s’y trouvent, seront là, eux aussi demain ?
Au rythme des eaux s’écrasent les vallées. Au rythme des eaux s’écroulent les montagnes. Au rythme des eaux s’éteint la vie.
Moi, je n’en sais rien, et j’ai peur car le temps passe, et tout change avec le temps.

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SOUVENIR

Il y a des années et des années, une petite rivière du nom de Prunelli coulait tranquillement, elle représentait un des coins de jeu de mon enfance...

Elle trouve sa source dans les montagnes Corse à plus de 2000 mètres dans le massif du Monte Renosu et rejoint la mer à son embouchure sur la commune de Porticcio.

Ma maison, surplombant la rivière, est située à quelques enjambées de cette dernière, et on pouvait entendre faiblement le son de l'eau qui coulait, faisant office de fond musical aux oiseaux pour chanter. Pour y arriver, il me fallait emprunter un chemin en terre qui débouchait sur un grand champ arboré de magnifiques chênes centenaires, on pouvait y voir, et même y entendre les quelques ruches d'abeilles qui peuplaient le coin.

La rivière était bordée de champs de la plaine jusqu'à son embouchure, car elle était une source d'arrosage pratique pour tout agriculteur, et logiquement les terrains en bord de rivière en plaine étaient considérés comme agricoles en raison des risques de crues...

En lisière du champ, on rentrait peu à peu dans une végétation plus dense composée de fougères ainsi que d'Aulnes.

En traversant les fougères, nous arrivions devant la rivière, le son mélodieux qui s'en dégage trouve à présent son explication : un courant d'eau régulier jalonné de pierres semble se faufiler avec entêtement. La végétation sur les berges était très présente, mais à certains endroits, on pouvait apercevoir un petit coin dégagé qui donnait sur un champ.

Non loin se trouvait une passerelle suspendue construite en palette de bois et en corde, qui servait au berger pour traverser sans se mouiller. Elle n'était pas très belle d'un point de vue architectural mais elle me servit souvent lorsque je voulais accéder aux champs du berger, où j'allais autrefois chasser et cueillir des asperges...

Un peu plus haut se trouvait un coin où une petite cascade avait creusée le paysage et y avait formé à son pied un bassin, on pouvait être sûr de toujours pêcher une des nombreuses truites qui y trouvaient refuge. Dans ce bassin de 3 mètres de profondeur que j'appelais la piscine, il y avait moins de courant, l'eau semblait plus limpide et une petite plage de sable s'était formée sur le côté où nous venions l'été pour nous baigner !

La pêche était un de mes passe-temps favoris, j'y allais seul, avec mon père ou bien mes amis. Ma proximité avec la rivière me donnait l'avantage de pouvoir pêcher quand je voulais, il me suffisait de prendre quelque vers dans le jardin et de descendre. La rivière était un élément avec lequel s'organisait la vie de tout le voisinage...


Il y a quelques mois, le Prunelli est entré dans une crue centennale d'une telle intensité que toute la plaine d'Ajaccio fut inondée ainsi que l'aéroport, toutes les routes furent bloquées et de nombreux habitants sinistrés, se sont retrouvés dans le besoin.

Aujourd'hui, après le passage de la crue, je me décide à descendre armé de ma canne à pêche. Seulement, en m'approchant, je m'aperçois que les ruches ne sont plus là, le champ est sale et j'y découvre des amas de débris de plastique.

En m'approchant du fleuve, je découvre le spectacle incroyable, la rivière que j'avais connue, qui mesurait environ 10 m de large en mesure aujourd'hui au moins le double, tous mes souvenirs étaient à présent bouleversés...

Les berges autrefois pourvues de verdure étaient entièrement composées de terre, de pierres et parfois de plages de sable parsemées de déchets. Par endroit, on pouvait voir des morceaux de bâches en plastiques coincés dans les branches des arbres, ou des pneus de tracteur et même un petit bateau. Par endroits, on perçoit une certaine profondeur, mais s'étant élargie, la rivière semble beaucoup moins profonde qu'avant.

À un endroit où la rivière à dû passer pendant la crue il y avait un champ, à présent il n'existe plus. A la place, une plage de galets.

La passerelle qui me servait à traverser autrefois, n'existe plus, à sa place, je trouve un arbre tombé en travers de la rivière qui aurait pu faire office de pont s’il avait pu arriver sur l'autre rive. Sur son tronc, je reconnais les câbles en acier qui auparavant soutenaient la passerelle.

Dans mon coin préféré, la cascade n'existe plus... C'est une rivière creusée qui dévale allègrement entre les rochers, le bassin est toujours là, mais malheureusement il n'y a plus la petite plage et j'y trouve à la place un énorme tronc d'arbre immergé à moitié sur lequel est installé un pneu de tracteur. Un peu plus loin en contrebas se forme une île composée de sable et de galets, deux bras séparent la rivière en deux, sur une distance de 500 m.

Sur les bords, je vois que des toutes petites pousses de fougère commencent à grandir. La pêche n'est franchement pas concluante, aucune truite n'a mordu à l'hameçon et il m'est impossible d'en voir une dans l'eau comme c’était avant le cas.

Le seul point positif est qu'une plage de sable fin au bord de la rivière s'est formée juste en dessous de chez moi, elle forme un coin de rivière qui semble très agréable pour profiter de la baignade l'été, sans oublier qu'il faudrait un peu nettoyer le coin, car il reste très sale.


La crue semble bien avoir tout modifiée sur son passage.


En conclusion,

Je constate vraiment que la rivière (élément instable) a repris ses droits sur la terre (élément stable.) L'élément stable qu'est la terre n'est en fait pas si stable que l'on peut le penser, en effet les forces de la nature telles que l'eau façonnent les paysages et nous prouvent que ces derniers ne sont pas éternels en tant que tels, mais en perpétuel mouvement. En fait, la nature ne serait peut-être faite que de mouvements continuels...


Les questions suivantes se posent :

Quelle serait la véritable limite entre le monde stable et le monde instable ? Comment définir le monde stable ?

Quels sont les liens présents dans la stabilité et dans la mouvance (s'il y en a) ? Comment définir le monde instable ?

La nature serait-elle l'incarnation même du mouvement ?

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